Les VLCC Français
Avec une flotte de plus de 10 000 navires dans le monde, les pétroliers en tout genre sont fortement représentés dans le tonnage total de la Marine Marchande mondiale. De toutes tailles et de plusieurs types, ils peuvent transporter plusieurs différentes catégories de produits : les produits blancs fortement raffinés, type JET (kérosène) ou gasoil ; les produits noirs types fuel lourd ou fuel domestique ; et enfin du pétrole brut.
Souvent assimilés au coté néfaste de la Marine Marchande, surtout à cause des catastrophes maritimes ayant eu lieu fin des années 90 et début des années 2000 (Erika, Prestige, Exxon Valdez), ils font cependant partie des navires plus contrôlés au monde. Les marées noires des 40 dernières années ont fortement fait évoluer la règlementation en matière de construction, d’exploitation et de maintenance afin de stopper la navigation de ces « navires poubelles », dans les eaux occidentales du moins. Port State Control, Flag State Control, Vetting, la rigueur est dorénavant de mise !
Dans ce reportage nous ne parlerons que des transporteurs de pétrole brut, nous reviendrons sur les transporteurs de produits raffinés dans un autres reportage.
Suezmax, VLCC, ULCC
Les navires transporteurs de pétrole brut se répartissent en trois catégories de taille : Suezmax, Very Large Crude Carrier (VLCC), Ultra Large Crude Carrier (VLCC).
Les navires de classe "Suezmax", sont les dernier navires dont la taille permet d'emprunter le Canal de Suez à pleine charge. Généralement, les Suezmax sont longs de 277m et larges de 48m maximum pour une capacité d’emport de 120.000 à 200.000 tonnes. Dans les Suezmax nous retrouvons également des "Shuttle Tankers" qui sont équipés d'un module sur la proue leur permettant de se connecter directement aux plateformes pétrolières. Ils sont surtout exploités en Mer du Nord et au large du Brésil. Les VLCC, pour Very Large Crude Carrier, quant à eux ne mesurent pas moins de 330m de long et peuvent embarquer de 200.000 à 350.000 tonnes de pétrole brut. Ils sont environs 600 à naviguer sur les mers du globe en 2024. Enfin, les ULCC pour Ultra Large Crude Carrier, qui embarquent plus de 350.000 tonnes se font de plus en plus rares. Surtout présents au 20ème siècle, les différents choc pétroliers des années 70 auront eu raison de l’exploitation de ces « SuperTankers ».
Le Jasmine Knutsen, schuttle tanker de 277m.
Le Celeste Nova, VLCC de Zodiac Maritime.
Les Very Large Crude Carrier
L’exploitation des VLCC est assez complexe. Dans un premier temps, le navire appartient à un armateur enregistré dans un pays qui fera naviguer ledit navire sous un pavillon libre d’accès, dit pavillon de complaisance (Panama, Liberia), ou non. Cet armateur déléguera ensuite la gestion nautique du navire à une société tiers qui sera en charge des relèves d’équipage via des sociétés de crew manning basées en Europe de l’Est ou en Asie, ainsi que de la gestion technique du navire, donc en grande partie la maintenance globale. La gestion commerciale sera quant à elle déléguée, sous contrôle de l’armateur, à une Major du secteur, c’est-à-dire un gros groupe pétrolier : Shell, Total, British Petroleum etc. Cette Major affrètera le navire soit au voyage, soit durant une certaine limite de temps.
Suite aux dernières marées noires et notamment au naufrage de l’Erika en 1999, la réglementation entourant l’exploitation des navires citernes a bien évolué, notamment en imposant à tous les pétroliers de disposer d’une double coque autour des citernes de cargaison. Les navires citernes sont également soumis à de nombreux contrôles : les Port State Control ou PSC qui sont effectués tous les ans par les autorités de l’Etat du port, les Flag State Control qui sont effectués par des inspecteurs rattachés à l’Etat du pavillon du navire et enfin les vettings. Les vettings sont des inspections conduites par des inspecteurs travaillant pour les Majors. Les vettings sont une sorte d’audit menée par l’affréteur sur une base régulière (cela peut être jusqu’à tous les quatre mois), afin de contrôler le navire de manière générale ainsi que la capacité de son équipage à l’exploiter. Les rapports des vettings, stockés dans une base de données, servent de base pour les futurs affrétements du navire.
Les VLCC Français
En France, les importations de pétrole brut sont régies en partie par une loi de 1992 portant sur la réforme du régime pétrolier. Son article 6 stipule explicitement « Tout propriétaire d'une unité de distillation atmosphérique dans une usine exercée de raffinage de pétrole brut en France métropolitaine est tenu de disposer, en propriété ou par affrètement à long terme, d'une capacité de transport maritime sous pavillon français proportionnelle aux quantités de pétrole brut qui entrent dans ladite usine. » Cet article impose aux raffineurs à se doter de navires naviguant sous pavillon français afin de conserver l’indépendance énergétique du pays, qui est fixée par l’Etat français à une resserve de 90 jours de consommation courante en pétrole brut. La flotte évoluant chaque année, elle est stabilisée depuis les années 2010 à une dizaine de VLCC exploités par deux compagnies, Euronav et V.Ships France. Toutes deux exploitent des pétroliers sous pavillon français RIF (Registre International Français) qui permet d’armer des navires au long cours selon des contraintes d’exploitation simplifiées dont la présence, hors dérogation, de seulement deux français à bord, rendant ainsi le pavillon compétitif sur le marché international.
Euronav
Compagnie belge basée à Anvers, Euronav est le premier armateur exploitant des VLCC français opérés depuis le bureau nantais de la compagnie. Après un accord échoué en 2023 avec l’armement Frontline, Euronav aura dû céder à l'armateur grec pas moins de 24 navires dont trois VLCC français récemment entrés en flotte. Le bureau français d’Euronav se stabilise dorénavant avec pas moins de huit VLCC, soit deux de plus qu’il y a un an.
Pour pallier à la séparation de trois de ses navires et rester dans le cadre réglementaire de la loi de 1992, Euronav à repavillonné entre 2023 et 2024 quatre navires d’une quinzaine d’années issus de Maersk Tankers et qui naviguaient alors sous pavillon grec ou belge.
La flotte française d’Euronav est affrétée au voyage par les Majors et se composent en 2024 des navires suivants :
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Alsace (2012)
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Dia (2015)
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Donoussa (2016)
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Antigone (2015)
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Hakone (2010), Hakata (2010), Hirado (2011) et Hojo (2013) qui sont des anciens de chez Maersk Tankers.
Pour redresser la flotte suite à l’accord échoué avec Frontline, le bureau Anversois d’Euronav a quant à lui dors et déjà annoncé de nouvelles commandes mais qui seront sous pavillon belge.
©Romain
V.Ships France
Contrairement à Euronav, V.Ships France ne possède pas de navire en propre puisqu’il s’agit la uniquement d’une société de gestion (voir ici notre reportage sur l’Empire V.Ships). Ainsi la flotte française de V.Ships, notamment concernant les VLCC, fluctue énormément. Alors qu’en 2022 la société armait quatre navires dont trois VLCC de chez DHT Holdings (DHT Amazon, DHT China, DHT Sundarbans), ceux-ci ont finalement rejoint le reste de la flotte sous pavillon Hongkongais. Il ne reste donc plus qu’à V.Ships en 2024 deux transporteurs de brut, le suezmax Eagle Le Havre (2017) ainsi que le VLCC Eagle Valence (mis en service en 2022 et propulsé au LNG). Ces deux navires appartiennent à Amercian Eagle Tankers et sont affrétés en long terme par une Major française.
©Adrien
Entre 2002 et 2003, Hellespont Group recevra de chantiers coréens quatre Ultra Large Crude Carrier, qui seront les derniers mis en service au 21eme siècle.
En 2004, c’est Euronav qui rachetera les quatre navires et les renommera TI Africa, TI Asia, TI Europe et TI Oceania. Les dimensions sont hors normes : 380m de long, 68m de large, 25m de tirant d’eau ainsi qu’une capacité de port en lourd de 441 893 tonnes.
©Marine Traffic
Finalement trop hors normes, ils se révèlerent extrêmement compliqués à exploiter en tant que navires et seront donc progressivement transformés en Floating Storage and Offloading (FPSO) structures et basés dans le Golfe Persique, à Singapour et au large de la Malaysie dans le détroit de Malacca.
Emmené par les pays membres de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), la production mondiale est toujours dominée par les pays du Moyen Orient devançant la zone Canada – USA – Mexique. Cependant, ramené au classement par pays, ce sont les USA, la Russie et l' Arabie Saoudite qui domine le classement devant les principaux membres de l'OPEP (Irak, Emirats Arabes Unis, Koweït et Nigeria) qui pointent entre la cinquième et neuvième place.
En 2022, les Etats Unis auront produit pas moins de 17 millions de barils de pétrole par jour, contre 12 pour l'Arabie Saoudite et 4 pour la Chine, 6ème du classement.
Les principaux trades s'axent autour des pays producteurs en direction des principaux pays consommateurs. Ainsi, nous retrouvons quelques principaux axes :
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USA - Asie (Japon, Corée, Taiwan) ou Europe.
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Golfe Persique - Europe / Singapour / Inde / Asie
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Nigéria - Europe
Fortement impactée par les marée noires et les questions environnementales, l'industrie pétrolière a du évoluer au cours du 21ème siècle parallèlement au durcissement de la réglementation internationale. En 2024, les navires poubelles ont complétement disparu des eaux occidentales, la où la réglementation et les contrôles des US Coast Guards ou des pays membres du Mémorandum de Paris sur les inspections dans ports européens sont les plus stricts. De plus, les navires ont également su se développer afin de limiter leur impact environnemental. Ainsi le Eagle Valence de chez V.Ships, est le tout premier VLCC au monde qui peut être propulsé au GNL (gaz naturel liquéfié).