Le gaz naturel en France
A l'approche de l'hiver et avec le conflit russo-ukrainien qui s'installe dans la durée, les importations de gaz naturel en France sont plus que jamais sous le feu des projecteurs. En France en 2021, près de 70% des approvisionnements en gaz provenait du continent Européen ou de la Russie et 43% de ce gaz arrivait à bord de navires dans l'un des quatre terminaux méthaniers de France. Les importations maritimes de gaz naturel en France, un marché bouleversé ?
Les méthaniers :
Un méthanier à cuves sphériques
Un méthanier à cuves prismatiques
Contrairement aux gazoducs, le gaz naturel est transporté à bord des navires sous forme liquéfiée. Le processus de transport du gaz par voie maritime est donc un peu plus complexe que par voie terrestre. Une fois extrait du sous sol, le gaz est transporté par gazoduc dans une unité de liquéfaction qui permettra de liquéfier le gaz en le refroidissant à -162 degrés. Le produit sera ainsi 600 fois moins volumineux qu'à son état gazeux. C'est donc le gaz naturel liquéfié (GNL ou LNG en anglais) qui est chargé à bord des navires et qui doit être maintenu à sa température de liquéfaction durant tout le voyage. Une fois arrivé à bon port le gaz est stocké sous forme liquide avant d'être regazéifié afin de rejoindre le réseau de distribution national.
Plus de 500 navires dans le monde sont spécialisés dans le transport de LNG. Il en existe de deux types, ceux à cuves sphériques, généralement les plus anciens, et ceux à cuves prismatiques plus récents. Avec 345m de long et 267.000 m3 de capacité, les plus gros méthaniers de Qatargas surtout destinés au Golfe Persique, peuvent charger en une seule fois l'équivalent de la consommation annuelle d'une ville française de taille moyenne comme Nantes.
Le gaz dans le monde :
L'exportation de gaz naturel dans le monde est dominée par les principaux pays producteurs. Ainsi les Etats-Unis et la Russie dominent nettement la production de gaz (voir ici notre reportage sur le gaz Russe), suivit de l'Iran, de la Chine, du Canada et du Qatar. Enfin, l'Australie, la Norvège, l'Arabie Saoudite et l'Algérie viennent compléter le top 10 des plus gros exportateurs de gaz. 40 pays dans le monde importent du gaz par voie maritime et seulement 22 (dont les Emirats Arabes, la Russie, les Etats Unis, l'Inde et la Norvège) sont équipés d'unités de liquéfactions de gaz. Pax exemple en France, une fois que le gaz importé est retransformé dans sa forme originelle, nous ne sommes pas équipés pour le reliquéfier. De même, certain petits pays producteurs comme les Pays Bas, ne peuvent exporter leur gaz que sous forme gazeuse et donc seulement par voie terrestre.
Le gaz en France :
La majorité du gaz français provient de la Norvège (40%), suivit de la Russie à 16% et des Pays Bas à 8% (la production de gaz des Pays Bas étant vouée à disparaitre). Vient ensuite du gaz du Nigeria, d'Algérie, du Qatar et des Etats Unis. Depuis l'intensification du conflit en Ukraine, les importations de gaz russe en France chutent au profit de celles du Qatar et surtout du gaz américain.
Grace à quatre terminaux opérationnels : Dunkerque, Montoir de Bretagne et deux à Fos sur Mer, plus un futur au Havre qui est attendu pour 2023, la France qui profite également d'un réseau de gazoduc complet et étendu, se veut comme une véritable plaque tournante des importations de gaz européen en desservant depuis ses ports via le réseau souterrain d'autres pays comme la Suisse, l'Espagne ou l'Italie.
Dunkerque :
Opérationnel depuis 2017, le terminal méthanier de Dunkerque est le plus grand de France et le deuxième terminal méthanier européen. Avec 600 000m3 de capacité de stockage, le terminal de Dunkerque est connecté à la fois au réseau de gazoducs belges et français.
Montoir de Bretagne :
Mis en service dans les année 80, le terminal méthanier de Montoir de Bretagne près de St Nazaire est en constante évolution en absorbant dorénavant plus de 30% du trafic du port de Loire Atlantique avec 130 escales en moyenne chaque année. Exploité par Elengy, filiale de Engie, le terminal méthanier de Montoir de Bretagne avec une capacité de 360 000 m3 de stockage est le deuxième plus gros de France. Connecté au réseau français il fut la principale porte d'entrée maritime du gaz russe puisque les méthaniers SCF y déchargeaient directement leur cargaison en provenance du champs de gaz de Yamal LNG, exploité entre autre par Total, au large de la Sibérie. Montoir de Bretagne propose également à ses clients la réexportation de gaz liquide non injecté dans le réseau français. C'est à dire que les navires disposent de la possibilité de venir récupérer et recharger la cargaison d'un autre méthanier, au maximum 72h après le passage de celui ci.
Le Christophe de Margerie à Montoir de Bretagne. (Copyright Victor Massais)
Fos sur Mer :
Unique port français équipé de terminaux méthaniers sur la façade méditerranéenne, le port de Fos sur Mer près de Marseille compte pas moins de deux terminaux méthaniers. Le premier, le terminal de Fos Tonkin ouvert en 1972, est le seul terminal méthanier français historique encore en service. Avec une capacité de 150 000 m3 et une mauvaise situation géographique dans le port, les plus gros navires ne pouvant pas y accéder, le terminal dont l'exploitation s'achèvera en 2028 à du laisser sa place à Fosmax LNG (Fos Cavaou), opérationnel depuis 2010. Mieux situé, Fos Cavaou exploité par une filiale de Elengy, est équipé de trois cuves pouvant contenir au total pas moins de 360 000 m3 de gaz liquide. Le port de Fos est la principale entrée sur notre territoire du gaz qatari et américain. Depuis la crise en Ukraine, le terminal de Fos Cavou est passé de 65% à 95% de taux d'utilisation avec une escale en moyenne tous les deux jours.
Depuis le printemps 2022 le port de Fos sur Mer absorbe une forte de demande d'escale de méthaniers avec des terminaux occupés à 95%.
Plusieurs méthaniers au terminal de Fos Cavaou.
Le Havre :
Annoncé courant 2022, le port du Havre en Normandie retrouvera dès 2023 un terminal méthanier, 34 ans après la fermeture du premier terminal méthanier français. Opéré par Total Energie, le terminal du Havre installé dans la Darse de l'Océan sera une unité flottante amarrée au quai de Bougainville. L'unité, un ancien navire reconvertit, sera le Cap Ann, un des Floating Storage and Regasification Unit (FRSU) du groupe. Il sera équipé de cuve de stockage mais également d'une unité de regazéification qui permettra d'injecter 5 milliards de m3 par an de gaz dans le réseau Français, soit près de 10% de la consommation des français mais 50% de moins que la capacité de Fos Cavaou.
Le terminal est prévu pour une mise en service en septembre 2023 avec un méthanier attendu tous les cinq jours. Le terminal du Havre, adopté dans le but d'une moindre dépendance au gaz russe recevra du gaz en provenance de la Norvège, des Etats Unis ou encore des Emirats Arabes Unis.
Cependant, six mois après le début de son exploitation, le FSRU ne se montre pas autant productif que prévu puisque son taux d'utilisation n'a pas encore dépassé les 50%.
Les compagnies françaises:
En France, il existe deux compagnies armant des méthaniers sous pavillon français (RIF). La première, fondée en 1957 et basée à Marseille est Gazocéan une filiale de NYK et de Geogas avec des intérêts, grâce à sa filiale Global LNG, au sein du groupe Total. Gazocéan est la compagnie de transport de LNG historique en France. Alors qu’elle exploitait trois méthaniers dont deux de construction française, la compagnie Gazocéan fut rachetée en 2020 par le groupe japonais NYK qui multiplia les commandes de nouveaux navires portant ainsi la flotte sous pavillon français à neuf gaziers en 2022 avec de nouveaux en commande pour les prochaines années. Affrétés par EDF LNG Shipping les navires d’une capacité de 150 000 m3 à 175 000 m3 naviguent à la demande autour du globe.
Le Global Energy de Gazocéan construit aux Chantiers de St Nazaire amène principalement du gaz algérien à Fos sur Mer.
La seconde, Knutsen LNG France, est une toute nouvelle compagnie française. Filiale du norvégien Knutsen OAS Shipping qui exploite des gaziers et des pétroliers, Knutsen a ouvert en 2022 des bureaux à Nantes et à Marseille afin de développer une vaste flotte de méthaniers sous pavillon français. Les ambitions sont grandes : pas moins de 22 méthaniers de 174 000 m3 de capacité livrés d’ici 2026. Ils sont destinés à l’affrètement dont les contrats sont déjà signés avec QatarEnergy, Shell ou encore Engie. Fin 2024, c'est douze navires qui navigueront sous pavillon RIF pour Knutsen LNG France.
Le Saint Barbara, dixième navire naviguant sous pavillon RIF pour Knutsen, à couple du Cape Ann.
Avant chaque opération de soutage le Gas Vitaly fait le plein au terminal gazier avant de venir livrer le navire qui est à quai au terminal à conteneurs. Son sister ship, le Gas Agility, est lui en poste entre Rotterdam et Dunkerque mais sous pavillon maltais (également sous gestion V.Ships France.
Avec l’amorce de la transition énergétique au sein du transport maritime depuis quelques années, le gaz naturel liquéfié intervient de plus en plus couramment comme carburant pour les navires de commerce. Ainsi de nouveaux navires souteurs spécialisés dans ce carburant son mis en service. Fin 2021, le Gas Vitaly appartenant à MOL est livré. Affrété par Total, le navire est armé par V.Ships sous pavillon français afin de réapprovisionner en GNL les navires faisant escale à Fos sur Mer.
Hormis le gaz naturel, d’autres types de gaz sont utilisés surtout dans l’industrie pétrochimique (propane, butane). Plus lourd que le LNG, ces gaz appelés LPG (Liquified Petroleum Gas) sont transportés à bord de petits gaziers à une moindre température, -90° maximum. Enormément utilisés en raffineries, les transporteurs de LPG desservent tous les ports français.
Depuis l’aggravement du conflit ukrainien, le gouvernement français veut limiter les approvisionnements en gaz russes qui couvraient avant la crise 20% de notre consommation. Pour se faire la France limitera les arrivées par gazoducs et augmentera ses importations par voie maritime. Le gouvernement français a ainsi reconnu le futur terminal gazier du Havre comme étant d’utilité publique afin de limiter les actions des potentiels recours en justice qui peuvent être engagés contre le projet. La France se tournera donc dorénavant vers le gaz qatari ou alors le controversé gaz de schiste américain, se passant ainsi un peu plus du gaz naturel russe foré dans les eaux de l’Océan Arctique.